Une famille atypique ou la métaphore d’une thérapie familiale
Quand une famille d’escrocs s’en prend à une famille dysfonctionnelle, cela produit des étincelles… et des changements thérapeutiques !
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Dès le départ le scénario s’amuse à opérer des renversements, et il poursuit cette dynamique de nous révéler ce qui est caché derrière l’apparence tout au long des épisodes.
Brillant jeu du chat et de la souris où l’on se demande en permanence qui trompe qui, ce drama m’a d’abord rappelé le film coréen Parasites. En effet, de façon un peu similaire, on y voit une famille d’escrocs s’insérer dans la vie d’une famille de privilégiés afin de détourner ses richesses. Et, comme dans ce film, la famille cible est en fait elle aussi bien dysfonctionnelle. On ressent un vrai malaise, tous les personnages nous paraissent d’abord malsains et ou mal intentionnés. Cependant, au fil des épisodes, la dynamique change, cet étrange parasitisme semble porter des fruits inattendus et parvenir à soigner les différents membres de cette famille.
J’en viens au point principal de mon commentaire, ce drama me paraît être une sorte de métaphore de la thérapie familiale.
En effet, on commence avec une famille où tout le monde est visiblement malade, la grand-mère dans le contrôle et la rigidité qui cherche à tout maîtriser, le grand-père qui s’est perdu en route au point de devenir invisible, le père alcoolique, la tante en obésité morbide avec des troubles alimentaires sévères, la jeune fille dans une apparence de phobie intense du regard des autres (qui tout d’abord dissimule sa capacité surnaturelle), et un repli sur soi.
Ensuite, on y introduit une personne étrangère et la famille qui fonctionnait en vase clôt, de façon mortifère, se voit dès lors obligée de s’ouvrir à la nouveauté. C’est par son regard neuf et décalé que cette Do Da Hae va introduire progressivement des changements bénéfiques pour tous. Telle une thérapeute familiale au regard affûté, elle s’adresse avec bienveillance à chacun et perçoit les angles morts, ce qu’on ne voit plus comme ce qui est dénié.
Je fais ici une courte parenthèse sur la bienveillance de Do Da Hae. Même si dans l’histoire celle-ci paraît d’abord feinte du fait des objectifs dissimulés, elle semble plutôt se révéler authentique par la suite.
Ainsi Do Da Hae montre au grand-père qu’elle le voit et qu’il est important, elle révèle son rôle perdu de soutien de l’ensemble de la famille.
Auprès de Bok I Na, sa place d’étrangère semble permettre à celle-ci de la regarder dans les yeux. Nous pouvons supposer que les enjeux affectifs qui peuvent parfois bloquer la communication avec nos proches - car nous pouvons craindre le regard qu’ils ont sur nous du fait des enjeux affectifs - sont ici moins présents. De plus, cela confirme la réelle bienveillance de notre héroïne, puisqu’avec son pouvoir de lire dans les pensées, Bok Ina est certainement la mieux à même d’en juger.
De même, Do Da Hae pousse la grand-mère à appréhender différemment ses rêves prémonitoires et à ne plus en avoir peur. Elle la pousse à voir ce qui est devant ses yeux mais qu’elle ne voyait plus, et à lâcher de son contrôle (car de fait cela lui montre combien ses tentatives étaient inefficaces). C’est l’altérité et le fait de décaler la vision de chacun sur soi-même, ainsi que sur les autres membres de la famille, qui aura des effets thérapeutiques.
Avec le très charmant Bok Gwi Ju, la dynamique est poussée encore plus loin, parce qu’elle l’accompagne à revisiter son passé traumatique, et lui permet de retrouver un pouvoir d’action sur sa vie. Après avoir été pris dans une spirale stérile, une répétition sans fin d’une tentative de sauvetage impossible, elle lui permet de retrouver la capacité d’agir sur les évènements, de les influencer. Cela le sort de sa dépression où culpabilité, rumination mortifère et haine de soi (avec tendance active à l’autodestruction) occupaient tout le terrain (principalement via son alcoolisme). Dans le drama, cela se matérialise en particulier par la couleur qui s’étend lorsque le héros est dans le passé, c’est la vie qui revient et s’étend.
Nous pouvons également penser que le personnage de Grace (« sœur » de Do Da Hae) ainsi que le « tonton » et la « mère » de Do Da Hae sont des sortes de co-thérapeutes. Plusieurs de leurs actions auront finalement des effets bénéfiques. Par exemple, c’est d’abord « à cause » de Grace, puis grâce à elle, que Bok Dong Hee retrouve sa capacité à léviter puis à voler. Si au départ les deux femmes ne se font pas de cadeau, le regard dur, mais à la fois lucide et sans fard de Grace sur Dong Hee la pousse finalement à retrouver son estime d’elle-même, elle vaut mieux que d’être avec cet homme lâche et cupide avec qui elle prévoit de se marier. Et une fois l’estime de soi retrouvée, elle récupère son pouvoir de voler, puis les kilos s’envolent à leur tour (et non l’inverse comme elle se le figurait).
Ainsi, chacun retrouve des capacités d’action sur la réalité et se réapproprie sa place et ses décisions. Plusieurs fois Bok Gwi Ju ainsi que sa sœur Bok Dong Hee diront « c’est mon choix », en prenant leur décision.
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Voilà une thérapie familiale étrange mais étonnamment bien réussie, menée par une famille de parasites sur une famille dysfonctionnelle. On ne peut pas rater l’ironie de cette situation. Et la famille de parasites s’en retrouve également changée positivement, cerise sur le gâteau.
Il y aurait sûrement bien d’autres thématiques à explorer dans ce drama, mais celle-ci me semblait intéressante et rejoint mon point de vue sur l’intérêt des psychothérapies, individuelles comme familiales. C’est bien parce qu’il y a un regard nouveau et extérieur, qui nous décale de notre vision de nous-même, notamment en revisitant le passé mais en l’abordant sous un jour nouveau et en lien avec l’actuel, que des changements à effets thérapeutiques peuvent avoir lieu. Pour ceux qui l’ont vécu, il est évident que parler à des amis ou faire son « auto-analyse » ne pourra en aucun cas produire les mêmes effets (ce qui ne veut pas dire non plus que cela n'a pas d’effets positifs, bien évidemment).
Pour finir, nous voyons bien comment une famille qui s’est repliée sur elle-même, à la suite de drames, est entrée dans un processus morbide et mortifère. Le même, l’identique, l’enfermement dans un vase clôt sont l’inverse des mouvements de la vie, qui par essence nous confronte aux autres et à la différence. Au-delà de la question de la thérapie familiale, ce drama dit avec virtuosité combien la vie c’est s’ouvrir au monde extérieur, à la nouveauté et aux autres. Même quand la vie ne nous fait pas de cadeaux et que ces autres ne sont pas vraiment idéaux. C’est ce que vient pour moi confirmer la toute fin, lorsque le nouvel enfant, qui devient porteur du renouvellement familial, vient sauver Bok Gwi Ju et son couple. Une fin que j’ai particulièrement aimée, empreinte de poésie et de sens, mais aussi pleine d’espoir dans l’avenir.
So Drama
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